Dumas, Natavan, le poignard, l’arkhalig et le jeu…
La « postface » à la déclaration
Aujourd’hui, en présence des représentants des médias, l’Union des écrivains azerbaïdjanais, a diffusé une déclaration fondamentale, condamnant l’attitude humiliante et le traitement, sur commande du Palais de l’Elysée, envers la statue de Khourshidbanou Natavan, le « Jardin azerbaïdjanais », situés dans la ville française d’Évian-les-Bains. Je pense qu’il est juste de partager ici, par écrit, une déclaration que j’ai faite aux chaînes de télévision.
Vous savez que l’écrivain français Alexandre Dumas (1802-1870 ; un éminent écrivain français a visité le Caucase, l’Azerbaïdjan, le Karabagh en 1858-1859) a rencontré Khasay bey Utsmiyev (1823-1866 ; le major général de l’armée tsariste, l’époux de Khourchidbanou Natavan) dans la maison du chef de la police de Bakou Pigulevski, avait ensuite écrit dans son œuvre « Voyage au Caucase » sur sa connaissance avec Khan kizi Natavan (1832-1897; une éminente poétesse azerbaïdjanaise du XIXe siècle, la fille du dernier khan du Karabagh Mehdigulu Khan Javanshir, la petite-fille d’Ibrahim Khalil Khan), connue comme une éminente poétesse, peintre, éducatrice et philanthrope dans tout l’Orient et le monde musulman, dont les œuvres ont été déclarées propriétés de l’État en Azerbaïdjan et d’autres membres de la famille,
Trois points concernant cette rencontre dans le « Voyage au Caucase » de Dumas ont retenu mon attention dès la première lecture, et durant la relecture, certains points m’ont semblé être des symboles plus clairs qui résonnent avec aujourd’hui.
En parlant de Khasay bey, de Natavan khanum, de leurs enfants, Dumas écrit qu’un garçon de cinq ou six ans dans les bras de sa grand-mère (il s’agit de la mère de Khasay bey, de Mehdigulu khan, le petit fils de Khasay bey et de Natavan, qui étaient présent à cette rencontre) tenait dans la main un poignard, dont deux côtés étaient tranchants comme un rasoir. Une vraie femme française ne donnerait jamais un vrai poignard à son enfant, mais c’était un jouet qu’une femme azerbaïdjanaise offrait à son enfant.
Le deuxième point est lié à la lettre de Khasay bey à Dumas dans un français parfait, une heure après la rencontre, Khasay bey écrivait que vous aviez de très belles armes, donc je n’ajoute rien à votre collection, mais je vous demande d’accepter le porte-monnaie fait à la main (Khan kizi était également une graveuse et couturière qualifiée) et deux arkhaligs.
Le troisième point était qu’en échange des cadeaux, Dumas avait offert à Khasay bey et Natavan des pièces d’échecs en ivoire.
Ce sont d’étranges symboles : même un Européen, s’il était écrivain (en fait, un écrivain qui avait des épées et des poignards dans les mains de la plupart de ses personnages, des enfants aux adultes), s’inquiétait de l’arme entre nos mains ; sentant cela, Khasay bey présente à l’écrivain et à l’Européen un sac à dos et un portefeuille (en fait, une bénédiction et un paix), en disant que vous avez de très belles armes, et en même temps, il dit qu’on ne peut pas vous surprendre avec des armes ; en échange, l’écrivain et l’Européen, même s’il était intelligent, nous proposaient un jeu comme les échecs – les pièces étaient probablement fabriquées à partir d’os d’animaux tués dans les régions sauvages d’Afrique, dans les colonies de France.
C’est étrange, comme si c’était notre rendez-vous le plus proche. Il s’agit d’un résumé préparé à l’avance de ce qui s’est passé au cours des 30 à 35 dernières années. En d’autres termes, nous bénissons encore une fois l’Europe, ils nous mettent en jeu et veulent que nous n’ayons pas les armes nécessaires pour défendre nos droits.
Salim Babullaoglu,
poète, secrétaire de l’Union des écrivains azerbaïdjanais
Dumas, Natavan, le poignard, l’arkhalig et le jeu…